Trilogies: entre le cosmique, l'humain et le divin

Trilogies

Le site Trilogies s’est métamorphosé. Pour mieux servir sa finalité: dans un esprit «philocalique», c’est-à-dire d’amour de la beauté, offrir un espace en mouvement pour contribuer à en-chanter l’être et le monde, re-lier le cosmique, l’humain et le divin, unir l’engagement (éco)citoyen et le cheminement spirituel, ouvrir le dialogue entre soi et l’Autre. Une manière d’habiter le monde en se laissant habiter par le mystère du Souffle qui l’anime et le transcende.

Trilogies a fait peau neuve. Au départ de cette mutation, une nécessité technique : le système de gestion de contenu, sécurité oblige, exigeait une mise à jour conséquente et coûteuse. Un kairos à saisir pour repenser la finalité du site, rafraîchir son look, revoir ses fonctionnalités et actualiser ses contenus.

L’élan d’un renouveau

Si l’ensemble a été redessiné, le sens général n’a pas bougé. Il s’agit toujours de témoigner de ce que le philosophe Raimon Panikkar appelle la «trinité radicale» : l’unité entre le cosmique, l’humain et le divin. «Radicale», car elle est la «racine», le fondement invisible du réel. Une unité à accomplir dans toutes les dimensions de l’être et de la vie. A travers notamment les voies de la personne méditante-militante, dans l’articulation profonde entre transformation de soi et transformation du monde, contemplation et engagement écocitoyen. Cet apprentissage permanent de la médit’action, véritable respiration, est au cœur de mon chemin existentiel et spirituel depuis plus de quarante ans.

La place centrale – plus visible et donc plus explicite – donnée à cette approche est un premier changement. Elle est nourrie notamment par l’écospiritualité et l’écopsychologie, la spiritualité et le goût de l’art, qui constituent autant de lieux pour mettre en résonance quêtes de sens et grands enjeux de notre temps.

Le second changement est un recentrage sur mes propres apports, réflexifs et de témoignage, actuels et anciens dans la mesure où ils restent pertinents. A sa naissance en 2006, Trilogies se voyait comme une plateforme, en compagnonnage avec toute une série de personnalités amies comme, entre autres, Thomas d’Ansembourg, le cheikh Khaled Bentounès, Abdennour Bidar, Dominique Bourg, Jean-Claude Guillebaud, Jean-Marie Pelt (†), Pierre Rabhi (†), Annick de Souzenelle, Thierry Verhlest (†). Depuis lors, d’innombrables réseaux analogues ont vu le jour, l’énergie et le temps pour énergiser tous ces liens ont manqué. En même temps, mes engagements dans la transition intérieure et mes divers ouvrages ont généré de nombreuses sollicitations, demandes d’intervention, d’information et de texte. Ce nouveau site va permettre d’y répondre, en mettant à disposition une palette de ressources écrites et audio-visuelles. Un outil aussi pour créer des ponts, partager des coups de cœur et des réflexions, transversales et latérales.

La forme au service du fond

Un troisième changement, capital, est la forme. Victor Hugo écrivait qu’elle est le « fond qui remonte à la surface ». Il y avait le désir de créer un site original, un peu inattendu, loin des modèles préfabriqués, mais surtout offrant une harmonie entre le fond et la forme. Cela, dans un esprit «philocalique», mot qui renvoie à la spiritualité de l’Orient chrétien et signifie «amour de la beauté». Le contenu étant en bonne partie constitué d’articles et d’entretiens, parfois longs, trois intentions ont dicté la conception du site.

D’abord, offrir un écrin invitant au calme et à l’attention, donc à ralentir, se poser, respirer, prendre du temps et du recul, sans distraction ou agitation inutile de l’œil. D’où un design sobre et beau, agrémenté d’aquarelles lumineuses, qui donne envie de sortir du flux et de se plonger dans un texte, qui aide à aller à l’essentiel, à toucher le noyau au-delà de l’écorce, à bien lire, voir et écouter. Avec présence et légèreté.

Ensuite, l’exploration des contenus devait être facilitée par une grande clarté structurelle, des fonctionnalités simples, un menu limpide et une page d’accueil ramassée n’exigeant pas un scroll infini, avec comme porte d’entrée pour chaque article juste un visuel et un titre explicite. Trilogies est construit autour de quatre axes: les événements (annonces de conférences), des paroles (textes, vidéos et documents audios) autour de cinq champs interreliés (écospiritualité, écopsychologie, sagesses, transition et visions), les livres que j’ai publiés et auxquels j’ai participé, et des chemins avec des données bio-bibliographiques, des inspirations (ressources) pour les voies de la personne méditante-militante, ainsi que des liens et une présentation de Trilogies.

Enfin, la lecture devait être agréable, confortable, fluide et en même temps dynamique. D’où la recherche d’une typographie élégante, l’importance accordée au blanc et aux nuances de gris, la dynamisation à travers des respirations sous forme de citations, mises en exergue, encarts et vidéos reliées à l’article, mais sans illustration prétexte.

Tout ce design, véritable mise en musique, est le fruit de la créativité de l'atelier binocle. Il était déjà le concepteur du logo et du précédent site Trilogies. Une belle fidélité, source de complicité, de joie et de gratitude.

Un nom pour re-lier

A l’origine de Trilogies, il y a d’abord un mot qui chante. Un nom pour faire entendre la voix, la musique, le chant qui sourd des entrailles de la vie, anime le vivant dans son intériorité la plus profonde. Trilogies, un nom pour en-chanter l’être et le monde.

Un nom aussi pour re-lier. Car dans Trilogies, il y a trois. Le mot évoque communément une suite de trois œuvres ou une œuvre en trois parties. Il désigne aussi un ensemble, une unité de trois éléments différents et inséparables. En l’occurrence, les trois dimensions constitutives du réel : le cosmos (au double sens de la nature et du monde), l’être humain et le mystère sacré de la réalité ultime et ineffable, toujours au-delà de notre compréhension, appelée Dieu, mais aussi l’Esprit, l’Un, le Souffle…

Ce trois dimensions sont elles-mêmes d’ordre ternaire ou trinitaire: les trois règnes minéral, végétal et animal pour le cosmos; le corps (sôma), l’âme (psykhé) et l’esprit (noûs) pour l’être humain; le Père, le Fils et le Saint-Esprit pour le christianisme, mais aussi Brahma, Shiva et Vishnou pour l’hindouisme ou encore le Bouddha, le Dharma et la Sangha pour le bouddhisme.

Ces trois dimensions sont symbolisées par les cercles de couleurs du logo de Trilogies: l’ocre pour la Terre, l’orange pour l’être humain, le bleu pour le Ciel. Les trois couleurs s’interpénètrent et se mélangent sans jamais se dissoudre l’une dans l’autre. Car le cosmique, l’humain et le divin ne sont pas autonomes, mais intimement re-liées, toujours à «comprendre» ensemble, dans leur «inter-in-dépendance», en les unissant sans les confondre et en les distinguant sans les séparer. Les trois cercles se superposent pour donner naissance à un quatrième, lequel, tel un ballon, s’élève de la Terre vers le Ciel.

C’est à la découverte et à la manifestation de cette unité dans la diversité que Trilogies aimerait contribuer. Une unité qui se situe dans le mouvement et le passage. Dans ce qui re-lie, ce qui (se) passe «entre» le cosmique, l’humain et le divin. Vers une plénitude d’être et de communion que le philosophe Raimon Panikkar a appelé «cosmothéanthropisme».

La quête de cette plénitude constitue un authentique chemin vers la paix, la compréhension mutuelle et la réconciliation avec soi-même, les autres et la nature. Une voie de mutation intérieure qui part du cœur, va du dedans vers le dehors. Une aventure de l’être, incontournable si l’on entend répondre de manière féconde et durable aux défis majeurs et à la soif de «sens» de notre temps. Une clé pour faire émerger «le monde d’après», qui commence ici et maintenant et pas demain.

Un nom pour dia-loguer

Dans Trilogies, il y a log, auquel renvoie le phylactère qui ouvre vers le bas – l’humus de l’être qu’est l’humilité – les cercles du logo. Log comme se loguer, se connecter : à son être intime, aux autres, au vivant, au divin, mais aussi aux mouvements et réseaux des chercheurs de sens. Log aussi comme Logos : la Parole, indissociable du Souffle, à l’origine de la vie et de la raison d’être des choses, mais aussi de l’échange et de la communication.

Log enfin comme dialogue, qui met non seulement en résonance le cosmique, l’humain et le divin, mais tire des traits d’union entre l’engagement citoyen et le cheminement spirituel, allie l’un et le multiple, conjugue le féminin et le masculin, ouvre vers une «transmodernité» composée du meilleur des traditions pré-modernes et de la modernité, met en inter-action toutes celles et ceux qui sont en quête de sens, à la recherche d’une nouvelle conscience capable de créer des nouveaux chemins d’humanité et de reliance.

«La vraie transcendance, paradoxalement, est dans l’entre.»

Le dialogue suppose une ouverture à l’autre, nécessaire pour accéder à la vérité tout entière, à la connaissance plénière de soi-même et de la réalité dans toutes ses dimensions. Car les enjeux – écologiques, climatiques, sociaux, économiques et politiques – auxquels nous sommes confrontés ne sont pas binaires, mais complexes. Authentique sésame, cet adjectif – à ne pas confondre avec « compliqué » – vient du latin « complexus » qui signifie ce qui «ce qui est tissé ensemble». Quant à la réalité ultime des choses et du monde, leur «vérité», elle n’est pas monochrome, mais – comme l’arc-en-ciel et le logo de Trilogies – elle est composée de plusieurs couleurs. C’est pourquoi la diversité – des espèces et des cultures, des langues et des races – est une fabuleuse richesse à préserver et développer. C’est pourquoi la pluralité des traditions de sagesse, qui sont autant de manières différentes d’accéder à l’Inaccessible et de nommer ce qui est au-delà de tout nom, est une chance.

Le but de ce dialogue n’est pas l’uniformité, mais la fécondation réciproque entre l’autre et soi-même, l’identité et l’altérité. Cela, dans l’écoute mutuelle et la conscience de ses propres limites, donc dans l’humilité et la nuance. Comme le dit le poète François Cheng, «la transcendance de chaque être ne se révèle, ne saurait exister que dans une relation qui l’élève et la dépasse. La vraie transcendance, paradoxalement, est dans l’entre». Le maître bouddhiste Thich Nhat Hahn parlait de l’«inter-être» pour dire l’interdépendance de tous les phénomènes et vivants.

Sauve qui peut (la vie)

C’est dans la reliance profonde et par le dialogue, dans la rencontre de l’Autre en soi-même et dans l’autre – au plan individuel et collectif – que pourront émerger les nouveaux paradigmes dont notre monde a besoin pour traverser les bouleversements qu’il affronte et aller vers davantage de justice, de paix et de beauté. Le dialogue devient ainsi une manière non seulement d’habiter le monde, mais d’habiter avec soi-même, le cosmos et le divin en se laissant habiter par eux. Dans cette perspective, le philosophe juif Martin Buber oppose avec justesse la réciprocité dialogale de «je-tu» à la l’unilatéralité instrumentale du «je-cela». En ajoutant qu’à un certain degré de qualité et de profondeur, le «je-tu» peut devenir l’espace où se manifeste le «Tu» divin qui ne peut jamais être un cela. On entre alors dans l’amour, l’agapè comme chemin d’accomplissement de la tri-unité entre le cosmique, l’humain et le divin.

Le futur n’est pas l’à-venir. Le vivant défie le cours de l’histoire et déjoue les pronostics.

L’humanité est à un moment carrefour son histoire. Avec le choix entre l’abîme et la métamorphose (Edgar Morin), la catastrophe et la métastrophe (Jean Guitton), la mort et la vie. La situation est telle que nous n’échapperons pas à des catastrophes et que – c’est tout le paradoxe – la métastrophe ou métamorphose passe par une mort. La transition, du latin trans-ire, nous invite à «aller au-delà», à nous mettre en mouvement pour opérer un passage. Une forme de «pâque», de mort-résurrection. Nous sommes appelés à mourir à tout ce qui, en nous – individuellement et collectivement – participe de la mort et y conduit, pour renaître à ce qui participe de la vie et nous y amène.

Nous le savons : si rien ne change fondamentalement et rapidement au plan structurel (politique et économique) ainsi que dans nos modes d’être et de vie, nous allons très certainement vers l’abîme. En même temps, nous sommes en vie, vivants, et nous vivons. Le vivant – à partir du moment où l’on s’y connecte en profondeur, dans une ouverture au mystère sacré qui en est la source – déjoue les pronostics et défie le cours de l’histoire. Le futur n’est pas l’à-venir. Le premier est ce qui sera à partir de ce qui est, le second ce qui sera à partir de ce qui va advenir. Et cela, nous ne le savons pas, nous ne pouvons pas le déduire de nos algorithmes, statistiques et modèles mathématiques. Car il relève de l’Esprit qui souffle où il veut.

Être vivant, en vie, c’est, pour reprendre les mots de l’essayiste Michel Butel, « imaginer puis créer – au-delà de l’abîme proche – une autre présence sur terre, une autre façon d’habiter ici, une autre manière de passer le temps de nos vies sur terre. […] Le temps qui vient semble sceller notre histoire. Mais non, il doit être celui de l’impossible. Le temps sera notre enfant ou il ne sera pas ». Une belle manière d’allier la lucidité et l’espérance.

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