Se libérer du consumérisme

Ouvrages Individuels

Si le consumérisme résiste si bien à toutes les crises et critiques, c’est qu’il vit en nous. Il est si omniprésent qu’il est devenu normal, quasi invisible. Il est en train de «dévorer» et surchauffer la Terre. Et nous avec. Ce système de démesure colonise nos âmes, façonne nos modes de vie et devient addictif par ses mécanismes. Michel Maxime Egger propose des pistes (éco)psychologiques et spirituelles pour le comprendre en profondeur et en sortir.

L’enjeu ne consiste pas uniquement à apporter des correctifs au système, à réguler et réduire les impacts, mais à effectuer un véritable changement de paradigme. Un choix radical entre l’effondrement et la métamorphose. Pour cela, en complément des actions politiques et des écogestes, une transformation doit se produire dans les consciences et les cœurs. À travers l’exploration de trois questions essentielles où se joue notre participation au consumérisme : qui suis-je ? Quel est mon désir ? De quoi ai-je peur ?

Ce sont ces dimensions intérieures – individuelles et collectives – de la transition écologique et sociale que l’auteur déploie au carrefour de la sociologie, de la psychologie, de l’écopsychologie et des traditions de sagesse. Un chemin vers la « sobriété joyeuse », qui demande de retrouver notre identité plénière de personne, de réorienter notre puissance de désir gangrenée par l’envie ainsi que d’épouser l’angoisse du manque et de la mort en nous ouvrant au mystère du Vivant.

Rencontre Zoom avec Michel Maxime Egger autour de «Se libérer du consumérisme» (Jouvence, 2020) dans le cadre de « Un auteur, un livre », animé par Marie Cénec et Dominique Mougeotte, 6 octobre 2020.

Echos médiatiques

François Euvé, Etudes: Une entreprise d'écologie intérieure

Dans la suite de ses publications antérieures (cf. Études, n° 4171-2, juillet-août 2012, pp. 140-141, et n° 4218, juillet-août 2015, p. 136), l’écothéologien Michel Maxime Egger invite à se libérer de la «dévoration humaine de la nature», induite par la civilisation moderne. Il s’agit d’une entreprise d’écologie intérieure dans la ligne de la «conversion» proposée par Laudato si’. Si la dimension psychologique est importante (revenir vers soi-même), la démarche n’a rien à voir avec une quelconque version chrétienne du développement personnel, expression achevée de l’individualisme moderne. L’accès à soi se fait par la relation à autrui au sens large (humain et non humain) et, ultimement, à Celui que la tradition chrétienne appelle Dieu. Le rejet du «toujours plus», du refus de la finitude, conduit à entrer en «résonance» (Hartmut Rosa) avec ce qui nous entoure. L’analyse de la situation présente s’appuie sur John Maynard Keynes, Bernard Stiegler, Bernard Maris… L’originalité est dans le renvoi à la tradition spirituelle de l’Orient chrétien, l’auteur éditant parallèlement une anthologie de la célèbre «Philocalie des Pères neptiques» (L’Être caché du cœur, Labor et Fides, 2020). Il n’est pas nécessaire d’aller chercher en Inde ou dans la forêt amazonienne des ressources que l’on peut trouver dans la tradition chrétienne. (décembre 2020)

Gabriel Salerno, Futuribles: Présentation admirable des clés d’un véritable changement

Dans la ligne de l’écopsychologie et de l’écospiritualité, Michel Maxime Egger s’intéresse aux dimensions intérieures, c’est-à-dire aux ressorts psychologiques et existentiels, de la crise écologique en cours et du consumérisme. Les maux de la Terre ne se limitent pas à des dégradations matérielles, mais peuvent être mis en relation avec des déséquilibres intérieurs, pour lesquels l’auteur emploie le terme d’«anthropologie mutilée». On comprend dès l’introduction que, selon l’auteur, l’être humain est en plein cœur d’un processus d’aliénation en raison de sa déconnexion avec la Terre. C’est à ce titre que l’auteur fait le procès lucide et percutant du consumérisme responsable de cette aliénation et dont par conséquent il nous enjoint, comme l’indique le titre de l’ouvrage, de nous libérer. Car si nous désirons stopper les dégradations folles de la biosphère, entamer une transition écologique efficace, il nous faut également effectuer une transition intérieure. […]

Mais comment emprunter ce cheminement spirituel, comment se reconnecter à la Terre ? Telle est la question à laquelle va répondre l’auteur en parallèle. L’une des pistes consiste à sortir de l’emprise des passions et des envies, résultantes d’un processus de désublimation et de dégradation du désir décrit par Michel Maxime Egger comme étant « au fondement même de la vie, de ce qui nous constitue, de nos actions et de nos engagements »1. Et réorienter notre puissance de désir passe par la redéfinition de notre idéal d’accomplissement humain. Une autre piste consiste à explorer les peurs et angoisses existentielles. Plus exactement, la peur de la mort dont personne ou presque n’est exempt. Michel Maxime Egger montre qu’en se coupant de la nature, l’être humain a évacué toute réflexion sur les questions du sens et du sacré. Or, la société de consommation n’offre aucune réponse crédible à ces angoisses, ce qui dès lors participe à perpétuer les maux décrits ci-avant. […] Le discours de l’auteur est ainsi, malgré la situation sociale et environnementale déprimante dans laquelle nous nous trouvons, porté par une vague positive, celle à la fois d’un possible retour à une relation harmonieuse avec autrui et la nature, et d’un changement de cap vers une société post-consumérisme plus heureuse.

Comme le dit Michel Maxime Egger, «l’écologie extérieure doit être complétée par une écologie intérieure». Ce dont il nous convainc tout au long de son ouvrage à l’écriture soignée. À la fin de la lecture, une question reste néanmoins en suspens. […] Comment sommes-nous arrivés à la démesure consumériste? À quand remonte le début de la maladie et quelles sont ses racines? Plus exactement, le consumérisme est-il la source de l’aliénation ou son paroxysme? En supposant qu’il s’agisse d’un paroxysme, cela sous-entendrait qu’initialement ce n’est pas le système mais des ressorts – psychologiques? – plus profonds ayant conduit au consumérisme qui sont à l’origine de l’aliénation. On pourra pour cette raison reprocher à l’auteur l’absence d’une approche historique et socio-politique qui aurait sans doute apporté de la profondeur au livre. Mais là ne fut pas l’ambition de l’auteur qui, partant de la situation présente, cherche plutôt à faire sauter les verrous, afin qu’une transition écologique et sociale puisse avoir lieu, tant qu’il en est encore temps. Et à ce titre, le livre offre de façon admirable les clés d’un véritable changement intérieur, susceptible d’engager un changement de civilisation. (décembre 2020)

Revue En Question: Un livre qui apporte l'espoir

Le constat est connu : à cause de l’homme, la terre va mal. Un changement s’impose. Radical : pas seulement des ajustements, mais un changement de paradigme. Il s’agit d’aller «au-delà du consumérisme, de sa vision superficielle du bonheur et de l’avidité anxieuse qui la nourrit». Pour ce faire, l’écologie extérieure apporte une aide considérable, mais elle doit être complétée par une écologie intérieure. «Une métamorphose doit se produire aussi dans les consciences et les cœurs», précise Egger. L’auteur nous invite à nous reconnecter à notre humanité profonde, à la nature, à l’autre. L’enjeu: passer du statut d’individu à celui de personne. Et se libérer ainsi du «système croissanciste, productiviste et consumériste qui détruit les bases de la vie». Pour ce faire, il faudra encore affronter nos angoisses. Pourquoi croyons-nous avoir besoin de tant de choses, si ce n’est parce que nous avons peur de manquer? Et peur de la mort? Egger nous appelle à «vivre en mortels», à rechercher le temps juste, et à renaître – c’est-à-dire à «nous éveiller à ce qui est plus grand que nous». En des temps incertains, ce petit livre parle à toutes les dimensions de l’être et nous apporte de l’espoir. Il invite chacun à rendre l’avenir possible. En devenant un homme plus humain. (No 135, décembre 2020)

Gérard Faure, Sources: Réorienter notre puissance de désir

Pour Michel Maxime Egger […] si la transition écologique et sociétale radicale qu’implique la situation actuelle nécessite bien des changements politiques et institutionnels d’envergure, l’enjeu est un «changement de paradigme». Pour lui, en effet, il faut ajouter une écologie intérieure à celle qui demeure extérieure à nous-même, en d’autres termes, se transformer intérieurement afin d’opérer une transition écologique globale.

Au cœur de l’ouvrage, ce constat de l’auteur: si le consumérisme résiste si bien à toutes les critiques, «c’est qu’il vit en nous». […] L’auteur analyse la façon dont le système croissanciste, productiviste et consumériste exploite nos ressorts psychiques pour nous aliéner au culte de la marchandise en construisant chez nous un «faux-moi» consommateur. […] Il montre comment le système dévoie vers des pulsions consuméristes ces mécanismes psychiques fondamentaux, prétendant, par l’illusion et l’euphorie, les besoins fictifs sans cesse renouvelés, combler par des biens matériels ces besoins essentiels que sont notre désir de sens et de plénitude, la quête de notre identité profonde, qui est d’ordre spirituel, et la peur du manque liée à celle, fondamentale, de la mort.

L’auteur en appelle à une transition intérieure passant par la refondation, pour lui à partir de ses convictions chrétiennes, à la fois de notre identité, de notre désir et de notre peur de manquer, seule façon d’aller «au-delà du consumérisme, de sa vision superficielle du bonheur et de l’avidité anxieuse qui la nourrit». Il nous invite à faire retour à l’essentiel, à nous reconnecter à notre être profond, à la nature, à l’autre, à Dieu, chacun selon son cheminement intérieur, seule voie permettant d’accéder à un sentiment de plénitude. Il s’agit, explique-t-il, de sortir de l’individu, centré sur lui-même, pour retrouver notre identité plénière de personne, c’est-à-dire celle d’un être en relation. Il faut aussi réorienter notre puissance de désir, gangrénée par l’envie, comme assumer notre finitude, autrement dit apprendre à «vivre en mortels» et à «nous éveiller à ce qui est plus grand que nous».

L’auteur nous invite à entrer dans l’autolimitation, la «sobriété heureuse», le rejet du «toujours plus», une attitude qui permet de créer du vide à l’intérieur de soi pour autre chose, à s’ouvrir à ce qui nous entoure.(No 51, juin-juillet 2021)

Christophe Herinckx - Le Journal du Dimanche: L'économie du donut

Dans un autre livre, Se libérer du consumérisme, Michel Maxime Egger plaide pour un changement de paradigme économique. Le modèle actuel est basé sur la croissance. « Pour nourrir la croissance, il faut produire, et comme on produit beaucoup trop, il faut écouler ce qu’on produit, et donc il faut le consumérisme », explique l’auteur. Or, cette trilogie n’est plus soutenable, car elle détruit la planète.

A la suite de l’économiste Kate Raworth, Michel Maxime Egger propose de la remplacer par le modèle du… donut. Le célèbre beignet américain, de forme circulaire, possède un cercle intérieur et un cercle extérieur. Ce dernier représente les limites planétaires, le plafond écologique qui ne peut être dépassé. Le cercle intérieur, c’est le plancher social, la limite en-dessous de laquelle une personne ne peut avoir de vie décente. Pour être vraiment durable, le modèle de développement dont on doit s’approcher, doit se situer dans la bande délimitée par les deux cercles.

En mobilisant nos ressources sprituelles, il est possible de se libérer du système actuel, fondé sur la démesure, et d’adopter une économie de sobriété. «Il ne s’agit pas de se serrer la ceinture, se priver, mais d’apprendre à jouir avec peu, comme le dit le pape François dans Laudato si’», note le théologien. La sobriété, c’est chercher une réponse au manque non pas dans l’accumulation des biens, mais dans «des relations de qualité et profondes, à soi, autres, aux autres vivants ». Et pour une personne engagée sur un chemin spirituel, «dans cette dimension du plus grand que soi, ce Mystère qui permet de donner une dimension de sens et de profondeur absolument essentielle». (4 décembre 2022)

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