L’éthique animale,
chantier à ouvrir

Écospiritualité

La défense des droits des animaux, un sujet religieux? Que ce soit dans les mythes, les symboles ou les pratiques rituelles: les animaux participent du sacré dans quasi toutes les religions. Et que disent les Eglises au sujet des droits des animaux, du végétarisme, voire du véganisme? Trois questions à l’écothéologien Michel Maxime Egger.

Comme vous l’écrivez, l’ambivalence de la tradition biblique n’est pas étrangère à la domination de l’être humain sur le reste du vivant. Comment, aujourd’hui, rétablir une égalité avec les animaux: par le droit?

La spécificité biblique de l’être humain ne légitime pas un droit de domination, mais implique une responsabilité, notamment celle de prendre soin. Clairement, les animaux ont des droits fondamentaux qui posent une limite à notre pouvoir, par exemple en étant protégés contre tout mauvais traitement.

Il me paraît important de ne pas en rester au plan juridique, mais de lier cette question des droits et protections à celle de la justice. L’enjeu – finalement politique  – est: comment établir des règles équitables pour la coexistence entre humains et animaux, c’est-à-dire pour la création d’une communauté composée d’humains et d’autres qu’humains? Cela n’implique pas seulement des interdictions mais aussi des devoirs pour nous, différenciés selon les types d’animaux (animal domestique qui dépend de nous, animal sauvage…).

En matière de normes, il conviendrait de commencer par supprimer des pratiques et formes d’exploitation infligeant aux animaux des souffrances très grandes et inutiles, en tout cas difficiles à justifier par leur utilité pour la collectivité: captivité des animaux sauvages dans les cirques et les delphinariums, corridas, spectacles montrant des combats d’animaux, chasse à courre, production de foie gras, commerce de fourrure, élevage intensif et pratiques d’abattage…

Dans l’optique d’un traitement juste, la consommation de viande est-elle encore envisageable?

La question de la consommation de viande, sans aller forcément jusqu’au véganisme, est un enjeu majeur auquel les chrétiens en général devraient donner plus de place, tant les violences et souffrances générées par l’élevage intensif et industriel sont éthiquement inacceptables et incompatibles avec la dignité des animaux (et la nôtre propre, d’ailleurs) – animaux considérés comme de simples objets, sources de rendement économique maximal. A cela s’ajoute la question du droit de tuer des animaux pour se nourrir, quand il existe de nombreux moyens de substitution pour s’alimenter de manière saine et sans carences à partir de végétaux.

Quels outils les Eglises peuvent-elles proposer aux fidèles pour changer de paradigme?

Il y a d’abord tout un travail de sensibilisation à effectuer, qui doit être fait de manière pédagogique et progressive pour être accepté, par le biais des prédications, des sacrements (il n’y a pas de produit d’origine animale dans l’eucharistie ou la sainte Cène) ou de la catéchèse. Mais il faut aussi mettre en acte. La règle (dans les paroisses, les communautés, les lieux d’Eglise, etc.) devrait être de ne proposer que de l’alimentation sinon végétalienne, du moins végétarienne. Les pratiques de jeûne et de diète (soit l’abstention de certaines nourritures) devraient être promues, comme c’est le cas dans le monachisme orthodoxe. Il s’agit bien sûr aussi de s’engager politiquement.

Partagez cet article

À lire ensuite…