Bio: Une vie
entre Terre et Ciel

Parcours

Quand on me pose la question, j’aime bien me définir comme un «apprenti méditant-militant». Mes diverses formations (sociologue, écothéologien, journaliste) et activités (auteur, conférencier, responsable d’ONG, traducteur, éditeur et critique de cinéma) ont toutes, à des degrés divers, participé à un parcours d’apprentissage de la « personne méditante-militante ».

© Sophie Brasey

Si je regarde mon parcours de vie, je vois clairement deux lignes de force. D’un côté se dessine un axe (éco)spirituel centré sur la transformation de soi, l’ouverture au mystère sacré du divin, la connexion à l’au-delà ou au «plus grand que soi» qui est aussi le «fond du fond» de l’être, à la fois transcendant et immanent. De l’autre, émerge un axe (éco)citoyen axé sur l’engagement pour la transformation du monde, le «changement de cap» ou de paradigme vers des sociétés qui prennent soin du vivant, à travers des modes de vie plus justes – tissés de justice et de justesse –, joyeusement sobres et solidaires, respectueux des limites de la planète, car fondés sur des relations réharmonisées entre les humains et avec les autres qu’humains. Ces deux axes obéissent à une même quête: l’unité entre le cosmique, l’humain et le divin.

Interview de Michel Maxime Egger autour de ces questions: La spiritualité, pour toi, c’est quoi? Comment la vis-tu au quotidien? Un monde spirituel est-il possible? Fonds Rose Croix, Flash spirituel, 14 septembre 2022.

Cheminement (éco)spirituel

Né en 1958 à Bienne, après une enfance dans le Jura marquée par une éducation catholique, un long pèlerinage en Inde, quelques années de pratique de bouddhisme zen, un passage par le Centre de rencontres spirituelles et de méditation créé à Fleurier (Suisse) par Henri Hartung (1921-1988), j’ai retrouvé mes racines chrétiennes dans l’Eglise d’Orient. Un moment clé a été ma rencontre en 1988 avec l’Archimandrite Sophrony (1896-1993), au monastère Saint-Jean Baptiste qu’il avait fondé dans l’Essex (Grande-Bretagne) à la fin des années 1950. Disciple du saint starets Silouane (1866-1938) au Mont Athos, il a été canonisé le 27 novembre 2019 par le Patriarcat de Constantinople.

Mon cheminement spirituel au sein de l’orthodoxie s’est manifesté de diverses manières. En 1992, j’ai créé les Editions le Sel de la Terre consacrées à la spiritualité orthodoxe contemporaine; elles deviendront assez rapidement une collection des Editions du Cerf, close en 2005 avec quelque vingt-cinq titres. En 1993, j’ai cofondé l’Association Saint-Silouane l’Athonite; je l’ai coanimée pendant une dizaine d’années, à travers des colloques et la publication de la revue Buisson ardent. En 1995, j’ai été ordonné diacre au sein de la paroisse orthodoxe francophone de Genève Sainte-Trinité-Sainte-Catherine (Patriarcat œcuménique de Constantinople), fonction que j’ai exercée une dizaine d’années.

Engagement (éco)citoyen

Dans le sillage de mon master en sociologie obtenu en 1981 à l’Université de Neuchâtel, mon engagement (éco)citoyen s’est traduit par une douzaine d’années de journalisme, en particulier à l’agence de presse de la Suisse (Agence télégraphique suisse devenue Keystone-ATS) ainsi que des magazines L’Hebdo et Construire (devenu Migros Magazine). Passionné de septième art, j’ai été actif comme critique de cinéma dans ces mêmes publications, mais aussi dans diverses revues (Positif) et dans le cadre de festivals (Nyon, Berlin, Locarno, Vevey). Cela, après avoir fait mes premières armes au Journal du Jura et comme membre du comité du ciné-club de Bienne (Guilde biennoise du film).

Désireux de ne pas être seulement spectateur et commentateur des choses, mais aussi acteur, j’ai ensuite œuvré pendant plus de vingt ans pour le développement durable et des relations Nord-Sud plus équitables, à travers des activités de sensibilisation et de lobbying. Au sein de l’ONG Pain pour le prochain (1993-2002), j’ai été très impliqué dans la Campagne suisse pour l’interdiction des mines antipersonnel ainsi que dans la Campagne Clean Clothes pour des habits produits dans la dignité. Au sein d’Alliance Sud (2002-2016), la communauté de travail des grandes organisations d’entraide suisses, j’ai fait partie de la direction et coordonné les dossiers commerce international et entreprises multinationales. A cet égard, j’ai contribué au lancement et rayonnement de la pétition «Droit sans frontières», qui a conduit à l’Initiative pour des multinationales responsables. Deux actions portées par des réseaux regroupant plus de d’une centaine d’ONG, syndicats et Églises, dont j’ai été l’un des coordinateurs et porte-paroles jusqu’en 2016.

Incarnations méditantes-militantes

Pour moi, ces deux lignes forment comme une vaste respiration au service de la «grande transition» écologique et sociale qu’il convient d’aborder de manière holistique, en articulant les dimensions intérieures et extérieures, individuelles et collectives. Il convient d’entendre le mot «transition» au sens fort de son étymologie latine trans-ire, qui signifie «aller au-delà». En l’occurrence, au-delà de l’«écologie extérieure». S’ils sont nécessaires, les normes internationales, les lois, les technologies et les écogestes ne suffisent pas, car ils ne vont pas à la racine des problèmes. Pour répondre en profondeur à la gravité et à l’urgence des défis planétaires, une métanoïa individuelle et collective est incontournable. Cela demande un dépassement des dualismes, un changement de regard sur la nature et la place de l’être humain en son sein, une transformation de notre mode de connaissance, une réorientation de notre puissance de désir et une éthique des vertus.

Une conférence de Michel Maxime Egger au Centre interrégional de perfectionnement (CIP) de Tramelan (Suisse), 14 septembre 2021.

Cette mutation induit pour moi une nouvelle manière de s’engager, au carrefour du politique et de la spiritualité: la personne méditante-militante. Alliant réflexion et praxis, elle s’est incarnée de quatre manières. Premièrement, elle a donné lieu à un travail d’écriture, avec à la clé plusieurs ouvrages, de nombreux articles et émissions dans les domaines de l’écospiritualité, de l’écopsychologie et de la spiritualité. En 2005, à l’invitation de la théologienne Lytta Basset, j’ai participé au lancement de La Chair et le Souffle, une revue d’anthropologie et de spiritualité publiée par la Faculté de théologie de l’Université de Neuchâtel et, dans les dernières années, les éditions Labor et Fides. J’ai été membre du comité de rédaction jusqu’à la cessation de la revue en 2015.

Secundo, j’ai fondé en 2004 et animé depuis lors le site Trilogies – Entre le cosmique, l’humain et le divin, pour mettre en dialogue traditions spirituelles, quêtes de sens, écologie et grands enjeux socio-économiques de notre temps. Plateforme parrainée par de nombreuses personnalités contributrices comme Thomas d'Ansembourg, Khaled Bentounès, Adbennour Bidar, Dominique Bourg, Claire Gibault, Jean-Claude Guillebaud, Edgar Morin, Pierre Rabhi ou encore Annick de Souzenelle, elle est devenue un site plus personnel en 2022.

Tertio, depuis le début de 2014, j’ai été invité à codirigé avec Philippe Roch la collection Fondations écologiques aux éditions Labor et Fides. Quarto, en août 2016, l’ONG suisse Pain pour le prochain (devenue l’EPER en 2022) m’a offert l’opportunité de créer un Laboratoire de transition intérieure. Porté également dès 2020 par Action de Carême, il se veut un lieu d’exploration et d’expérimentation des dimensions culturelles, psychologiques et spirituelles de la transition écologique et sociale. Mon départ à la retraite professionnelle en juin 2023 a marqué la fin de la saison 1 de cette initiative et le départ de la saison 2, avec en partie une nouvelle équipe et une redéfinition stratégique.

Engagements publics collectifs

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