Eco-anxiété: «J'ai mal à ma terre»

Écopsychologie

On parle de dépression verte, de burn-out bio ou d’éco-anxiété… Entre angoisse, sentiment d’impuissance, culpabilité et mauvaise conscience, comment faire pour ne pas perdre pied face aux mauvaises nouvelles de la planète? Et comment ne pas céder à la tentation de la violence quand on se sent en décalage total avec le mouvement du monde et l’organisation de la société?

Propos sur l'éco-anxiété

L’écoanxiété est un syndrome qui inclut l'angoisse, la tristesse, l’impuissance, le découragement ou encore la colère. Dès qu'on ouvre le dialogue avec les gens on se rend compte qu’une grande partie de leur souffrance a à voir avec les souffrances de la terre. Plusieurs causes peuvent expliquer l’accélération soudaine d’un tel syndrome. Il y a, par exemple, un effet Greta Thunberg que l’on a pu entendre dire : «J'ai envie que vous ayez peur.» Et aussi depuis deux ou trois ans le fait que les conséquences du réchauffement climatique, qui pouvaient apparaître comme quelque chose d’abstrait, sont devenues plus tangibles avec les étés que l'on a eus et des événements climatiques extrêmes survenus y compris en Suisse, comme la fonte des glaciers. […]

La peur peut être vue comme un réflexe sain, primitif, émotionnel pour se protéger face à un danger. Mais si on s’enferme dans cette peur, cela peut engendrer des processus de stress de plus en plus grand, des formes d'épuisement, de détresse, de dépression, de déprime, avec des symptômes comme des insomnies, de la confusion ou des formes de maladie comme l’attaque du système immunitaire, voire chez certains des tendances suicidaires. Devenir malade d'un système qui dysfonctionne et dont ces catastrophes écologiques sont l'expression, est plutôt un signe de santé. […]

«Crise environnementale: quand le mental s’emballe», un podcast Pauline Bellanger et Elaurie Chevry (Université de Genève)

Le déni de réalité cherche à éviter la tristesse, la peur, la culpabilité qui ne sont pas des émotions très agréables. L'information reste dans la tête, mais elle n'a pas touché le cœur. Des gens sont aussi dans le déni parce qu’ils évoluent dans des milieux peu réceptifs qui les dénigreraient, les traiteraient d’oiseaux de malheur. […]

Les ateliers d’écopsychologie proposent des rites et des moyens pour exprimer ses émotions, les transformer. On parle de «compostage» : on va faire de ces émotions, qui peuvent apparaître comme «négatives», un engrais pour l'action, qui reste le meilleur remède à l'éco-anxiété. Il peut s’agir, au début de simple écogestes quotidiens, ou de commencer à planter quelque chose sur son balcon ou son jardin. Comme aussi aller régulièrement dans la nature pour se ressourcer, pas juste pour se promener. Il s'agit de se rendre présent à la nature, à tous les êtres. Des exercices sont proposés à cet effet: une personne va avoir les yeux bandés et une autre va la guider pour lui faire découvrir par tous les sens autres que la vue, la richesse du vivant qui l'entoure. Ou encore ce que l’on appelle les bains de forêt: on peut par exemple créer une relation avec un arbre, le toucher, l’enlacer, l'embrasser; on peut aussi travailler avec les éléments, avec l'eau, le feu. L’idée est de se connecter à quelque chose de plus grand que soi, dont on fait partie et qui fait partie de nous. […]

C'est généralement à travers ce lien avec les autres que beaucoup font face au syndrome de l'éco-anxiété et obtiennent du soutien aussi. Beaucoup de gens touchés par l’éco-anxiété sont par exemple très engagés dans des mouvements de type «Extinction Rébellion». […]

Il y a des personnes qui vont être plus sensibles à l'éco anxiété que d'autres ; les terrains peuvent être plus ou moins anxiogènes en fonction de l'histoire personnelle ou de prédispositions. Les jeunes sont particulièrement sensibles, aussi parce qu’ils sont souvent très connectés aux réseaux sociaux, où les vidéos hyper-anxiogènes sont nombreuses. Le risque est fort d’entrer dans ce qu'on appelle des bulles cognitives, avec des informations en boucle, des effets de loupe, des croyances qui s’auto-alimentent entre personnes qui pensent de la même manière. […]

Après avoir travaillé sur les émotions puis proposé des actions, le troisième axe sur lequel on agit, c'est la reconnexion à la nature, au vivant qui peut être une vraie source de réconfort, de bien-être, de guérison. Il ne s’agit pourtant pas, comme on pourrait le croire, de développement personnel: ce sont plutôt des pratiques au service de la transition écologique. Cette connexion va nous amener à réenchanter notre regard sur la nature pour finalement aller vers des sociétés plus écologiques. Ce travail de reconnexion en profondeur va en effet nous connecter à la fois aux beautés et aux souffrances de la Terre, auxquelles on va être du coup plus sensibles.

Partagez cet article

À lire ensuite…