En quête d’une nouvelle frontière
ParcoursL’écothéologien Michel Maxime Egger publie un livre-synthèse et quitte son poste auprès de l’Entraide protestante suisse. Avec une volonté, qui l’a toujours guidé: ne pas s’enfermer.
Michel Maxime Egger a eu mille vies. Journaliste, éditeur, lobbyiste, militant, mais surtout «penseur et orateur d’une clarté exceptionnelle», comme l’explique Christine Kristof-Lardet, journaliste et une de ses complices intellectuelles sur les chemins de l’écospiritualité. A 65 ans, celui qui est désormais associé à cette nouvelle approche, associant l’écologie à un ancrage et un travail intérieurs, se définit comme un «méditant-militant», toujours «apprenti». Etre «arrivé» ne lui correspond pas.
Et pourtant, ce printemps marque bien pour lui ce qui s’apparente à un bilan. Publication de Reliance. Manuel de transition intérieure (voir encadré). Retraite: il quitte le Laboratoire de transition intérieure. Ce concept de «transition intérieure» est désormais répandu. Mais pour Michel Maxime Egger, «on n’en est qu’au commencement»!
Les vrais débuts datent de 2004, une rencontre à la communauté bouddhiste de Karma Ling en Haute-Savoie, sur «écologie et spiritualité». «C’était la première fois que je voyais ces deux termes accolés», se souvient Christine Kristof-Lardet, qui évoque un moment «totalement fondateur. Une déflagration»! Même éveil pour Michel Maxime Egger, intervenant au côté de nombreux penseurs pionniers – par exemple Pierre Rabhi, qui «ôta le tiret entre écologie et spiritualité, pour former un nouveau terme», raconte Christine Kristof-Lardet.
Pour Michel Maxime Egger, un nouveau champ s’ouvre. «J’ai compris que l’écologie offre un formidable espace pour explorer les liens entre transformation de soi et du monde. L’articulation entre écologie et spiritualité constitue un enjeu politique et citoyen. Mais comment témoigner de cela d’une manière réfléchie et audible, en particulier pour les personnes chrétiennes?»
L’écologie offre un formidable espace pour explorer les liens entre transformation de soi et du monde.
Ayant décidé très tôt de travailler à temps partiel, Michel Maxime Egger refuse les postes à haute responsabilité, par souci d’«une vie relationnelle et spirituelle de qualité, jamais envisagée pour elle-même, mais au service du monde», décrit ce pratiquant, de culture orthodoxe. Il a hésité à devenir moine, avant de rencontrer sa compagne actuelle et de se distancier des Eglises, «souvent des lieux de contre-témoignage, malheureusement, et, surtout, plus du tout adaptées à l’émergence actuelle d’une spiritualité post-religieuse, à partir de l’intériorité et de l’expérience du mystère divin». Sa foi est vivace, incarnée. «J’essaie d’inscrire dans ma vie personnelle, la plus quotidienne, les visions et valeurs issues notamment de l’Orient chrétien.»
Refus des institutions? Non. Car c’est bien au sein d’une ONG protestante, Pain pour le Prochain (PPP désormais fusionnée avec l’Entraide protestante suisse, EPER), que son Laboratoire de transition intérieure a vu le jour. «C’est vrai. Sans PPP, jamais le Labo n’aurait pu se déployer ainsi!»
C’est Bernard DuPasquier, alors directeur de PPP, qui propose en 2016 un poste à l’écothéologien pour travailler «sur la cohérence entre l’intériorité et l’engagement politique». Le profil du penseur lui convient: «Il est comme un roseau, solidement ancré et capable de s’adapter à l’environnement.» La feuille de route? «Très large. L’idée était d’explorer le champ des possibles, d’ouvrir des espaces concrets où des participants pourraient identifier, refléter, modifier leurs postures quant aux changements de société nécessaires.» Une «bénédiction» pour Michel Maxime Egger, qui entame des collaborations avec des collectifs, des lieux et des individus partageant le même «désir» pour le changement.
Au final, plus de 14'000 personnes (parfois les mêmes) ont pris part aux différents ateliers et conférences de ce lieu d’innovation écologique, sans compter les 12'000 inscrites à des parcours de formation en ligne. Le Labo a inspiré les Eglises romandes, estime Bernard DuPasquier, «dont certaines ont mis en place des ministères de transition écologique».
La succession est ouverte, le profil recherché sera cette fois-ci «plus axé sur l’écologie». Quant à Michel Maxime Egger, il se laisse six mois de «non-agir», et fait siens les beaux mots de Grégoire de Nysse (IVe siècle): «Je vais de commencement en commencement, par des commencements toujours recommencés.»