Des lumières et des ombres

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À l’heure du look hyperréaliste publicitaire, du naturalisme télévisuel, fade et sans surprise, le chef opérateur Henri Alekan (1909-2001) fait figure de rescapé. Le dernier Mohican d’une époque révolue du cinéma, artisanale, où la beauté du réel était inséparable de la poésie de l’imaginaire. Il a consigné en 1984 sa vaste expérience et ses réflexions dans un livre somptueux, Des lumières et des ombres, qui vient d’être réédité aux éditions du Collectionneur.

Richement illustré d’une iconographie où se mêlent tableaux de maîtres, dessins préparatoires, plans de décor et photographies de plateau, l’ouvrage nous propose un voyage initiatique à travers les arcanes de la lumière au cinéma, en résonance avec ses déclinaisons solaire, nocturne, artificielle et picturale. Au carrefour de l’histoire de l’art, de la philosophie, de la psychologie et de la métaphysique, Henri Alekan nous explique, avec rigueur et précision, les différentes manières de «luminer » – terme qu’il préfère à «éclairer» – pour «miroiter» toutes les nuances de l’intériorité humaine, traduire les ambiances aurorales et crépusculaires, permettre à l’invisible de se manifester au cœur du visible, établir une relation intime entre le cosmos et la spiritualité. Acte à la fois technique et artistique, «luminer, c’est donner à voir, à penser, à méditer, à réfléchir ; c’est aussi émouvoir».

Dans sa belle préface, Alain Robbe-Grillet définit Henri Alekan comme un «homme de métier», un «grand peintre d’autrefois», un «artiste profondément engagé» et «sans concessions aux modes passagères». Par «sa position délibérée du côté du rêve, de la poésie et du surnaturel», il a combattu «sans relâche pour un idéal» : «la création, à chaque instant, d’un merveilleux monde nouveau». Un travail qu’il a accompli pendant près de quarante ans au service des visions de cinéastes comme Jean Cocteau, Marcel Carné, Joseph Losey, Jean-Pierre Melville, Paul Vecchiali, Raoul Ruiz, Amos Gitaï ou encore Wim Wenders. «En jouant avec la lumière et les ombres, le cinéaste interprète la réalité, l’ouvre à l’irréel», nous disait-il dans un entretien en 1986.

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